Skip to content

Supports scientifiques

 

DOSER  LES  ACIDES  GRAS ?

Contexte

Durant plusieurs centaines de milliers d’années, nos ancêtres chasseurs cueilleurs ont connu une alimentation aléatoire sans doute, mais très variée. L’agriculture, il y a dix mille ans au plus, a apporté plus de sécurité, mais moins de diversité dans l’alimentation. Enfin depuis un siècle seulement, l’industrie agro-alimentaire met à notre disposition une nourriture transformée chimiquement (le sucre raffiné date d’à peine plus d’un siècle). Notre organisme peut-il s’adapter à une évolution aussi brusque ? Ne doit-on pas craindre des carences ou divers déséquilibres ? Faut-il  contrôler ceci par des dosages ?

L’industrie  veille : à notre disposition, voici les compléments alimentaires.

Les acides gras (1)

Ces acides carboxyliques à chaîne carbonée (1 à 30 carbones) sont dits saturés ou poly-insaturés, selon l’absence ou la présence d’une ou plusieurs doubles liaisons (électrons pi), et omega3 ou 6 selon la position de la première double liaison. Trois acides gras fixés au glycérol constituent les triglycérides, principale réserve énergétique de l’organisme. Certains sont aussi des précurseurs dans la synthèse de molécules au rôle important, telles les prostaglandines, leukotriènes, thromboxane … Les omega 3 étant précurseurs de molécules anti-inflammatoires,  anti-thrombotiques, alors que les omega 6 sont plutôt pro-inflammatoires, une profusion d’études a fleuri, cherchant à mettre en évidence l’incidence du rapport omega 6/3 sur la santé. Dans cette optique, les dosages montrant un rapport 6/3 défavorable orienteraient vers la diététique et la prise de compléments alimentaires. Que retenir de la littérature ?

Méta-analyses

Au préalable on notera que même si les auteurs de certaines études sont bien « sans conflit d’intérêt », ils peuvent difficilement échapper à des biais divers. Par exemple, une des premières études (années 70) danoise  indiquait que les populations inuites étaient peu atteintes par les maladies cardiovasculaires, sans doute à cause de leur régime riche en poissons gras, source d’omega 3 : or les effets bénéfiques de ce régime pourraient aussi bien être imputables à l’apport important de vitamine D…par exemple.

Ces réserves faites, les méta-analyses sont de nature à fournir les conclusions les plus probantes.

Les études reprises dans 3 d’entre elles concernaient la prévention cardiovasculaire secondaire avec supplémentation en oméga 3 sur 2 ans. Une première ne reprenait que des études avec placebo en double aveugle : aucun effet significatif n’a été constaté sur l’incidence des accidents cardio-vasculaires, ni sur la mortalité cardiaque et totale. Dans une analyse de sous-groupes de personnes avec antécédent d’infarctus, aucun effet n’a été observé. Dans la seule étude incluant des patients insuffisants cardiaques, un effet très limité a été constaté sur la mortalité totale, pas sur la mortalité cardio-vasculaire (2)

Une deuxième méta-analyse incluant des études randomisées n’a constaté aucun effet protecteur de la supplémentation en omega 3 sur la mortalité cardiaque et totale ni sur l’incidence d’accident vasculaire et d’infarctus  (3). La troisième méta-analyse a inclus des études observationnelles en plus des études randomisées. Chez les personnes qui consommaient beaucoup de poisson, une incidence moindre d’accidents vasculaires cérébraux a été constatée, mais sans qu’un lien causal soit prouvé ; par contre aucun effet n’a été constaté suite à la prise de complément alimentaire (4) Une étude avec placebo sur les omega3 en prévention primaire chez des personnes avec facteur de risque, mais sans antécédent d’infarctus, n’a démontré aucun effet ni sur la mortalité ni sur la morbidité cardio-vasculaire (5).

On peut encore citer en 2006 un travail dans JAMA  sur 38 articles examinant les effets de la prise d’omega 3 sur divers types de cancers, représentant plus de 700,000 personnes : aucun indice de réduction d’un type de cancer. En 2012, toujours dans JAMA, une méta-analyse a synthétisé les résultats de 20 études regroupant 68,000 personnes où l’on ne constatait le moindre effet d’une supplémentation sur la mortalité cardiaque, ni les infarctus, ni sur les AVC

Conclusion

Certes, la question de l’apport en acides gras déborde largement le rapport omega 6/3 ; certains d’entre eux sont dits essentiels car précurseurs de voies anaboliques et doivent être fournis par l’alimentation ; à défaut d’un régime diversifié proche de celui de nos lointains ancêtres, un dosage peut être utile pour voir d’éventuelles carences. Prévoir un prélèvement sur EDTA (bouchon mauve), hors nomenclature INAMI.

Quelques références

1. (article de synthèse)  Acides gras : nomenclature et sources alimentaires Ann Méd Vét 2004, 148, 133-140

2. Arch Int Med 2012;172:686-94

3. JAMA 2012;308:1024-33

4. Br Med J 2012;345:e6698

5. N Engl J Med 2013;368:1800-8

Voir aussi 

CBIP centre belge d’information pharmacothérapeutique :

Acides gras oméga-3 : plus d’inconvénients que d’avantages ? (2024)