Que conclure devant une augmentation de la ferritine ?
Autant une diminution de la ferritine implique de manière univoque une carence martiale,
autant une augmentation oriente vers des diagnostics les plus divers .
Il est logique d’éliminer d’abord les causes d’augmentation les plus fréquentes, n’impliquant
pas une surcharge martiale.
Il peut être utile, avant d’aborder un problème concernant le métabolisme du fer, de rappeler le rôle clé de l’hepcidine : ce petit peptide, en blocant la ferroportine, régule l’absorption intestinale du fer, et son recyclage par le système réticulo-endothélial.
Les états inflammatoires sont associés à des taux trop élevés d’hepcidine : ceci diminue l’absorption intestinale du fer, augmente sa rétention dans les macrophages sous forme de ferritine, avec indisponibilité pour l’hématopoïèse et donc anémie : la ferritine est augmentée.
Un défaut de sécrétion d’hepcidine, à l’inverse, se traduit par une augmentation de captation du fer : la ferritine est augmentée, avec dans ce cas tendance à l’accumulation du fer.
ORIENTATIONS DIAGNOSTIQUES
Sans surcharge ? Une saturation de transferrine (à jeun) normale ou basse exclut une surcharge
1. SYNDROME INFLAMMATOIRE
voir CRP, VS, anémie, …
2. PATHOLOGIES HEPATIQUES
– aiguës : la ferritine étant stockée dans le foie, toute cytolyse augmente la ferritinémie
– chroniques :
alcool, VHB, VHC chroniques
dans le syndrome dysmétabolique, avec stéatose, ferritine augmentée dans 50% des cas
3. ANEMIE
En dehors d’un syndrome inflammatoire, investiguer un problème hémolytique,
thalassémie, drepanocytose, … (NB : des transfusions répétées aboutissent à une surcharge)
Avec surcharge :
Saturation de transferrine augmentée persistante, ou tendant vers 100% : surcharge probable
4. HEMOCHROMATOSES
type1 : gène HFE (autosomale récessive)
Entraîne un déficit de sécrétion d’hepcidine
L’affection se traduit, généralement après plusieurs dizaines d’années par :
- une cirrhose : responsable de 90% des décès
il est important de traiter la surcharge avant l’installation de la cirrhose car celle-ci peut
ensuite évoluer spontanément vers le carcinome
- un diabète (atteinte endocrinienne)
- des cardiopathies, surtout dysrythmies
- atteintes endocriniennes diverses, surtout impuissance
- pigmentation cutanée et arthralgies sont des signes d’alarme
mut C282Y (tyr>cyst)
la forme homozygote représente 90% des cas d’hémochromatose
est la maladie génétique de loin la plus fréquente en Europe
portage (hétérozygote) par 5 à 10%, selon les populations en Europe (mutation celtique),
aussi en Australie (peuplement européen), jamais en Afrique, ni en Asie
<33% développeront une surcharge à condition :
d’être un homme (1% des femmes porteuses feront une surcharge) et de boire de l’alcool
mut H63D (asp>hist)
même à l’état homozygote, peut entraîner une augmentation de saturation de transferrine,
mais pas une surcharge significative ; un suivi n’est pas nécessaire
les doubles hétérozygotes H63D + C282Y donnent une hémochromatose dans 10% des cas
et méritent donc un suivi de la saturation de transferrine et/ou une IRM
mut S65C
n’est pas pathologique, sauf association avec C282Y, avec risque faible
type2 : gènes HAMP et HJV (autosomale récessive) très rare
L’hémochromatose juvénile est rare, sévère, touche hommes et femmes jeunes (<30 ans)
Liée à deux types d’anomalies génétiques : (2a) mutation HAMP codant l’hepcidine, et
(2b) mutation HJV codant pour l’hémojuvéline, qui régule la production d’hepcidine
Peut déjà apparaître avant 20 ans avec un jeune imberbe car privé de testostérone
(atteinte gonadique précoce), ou une jeune femme avec aménorrhée.
Symptomatologie dominée par l’atteinte cardiaque
type3 : gène TRF2 (autosomale récessive) très rare
Mutation du gêne TfR2 du récepteur2 de la transferrine ; chez l’adulte
type4 : gène SLC0A1 (autosomale dominante)
Rare ; mutation du gêne SLC de la ferroportine ; touche les 2 sexes dès le plus jeune âge ;
Exception : surcharge macrophagique avec saturation de transferrine normale ou basse
PRISE EN CHARGE DES HEMOCHROMATOSES
- saignées rapprochées (peu de consensus sur la fréquence : 1x/ semaine)
jusqu’à abaisser la ferritine entre 50 et 100 mcg/l ; puis 2 à 6 x/an pour l’y maintenir
- réaliser un fibroscan
espérance de vie normale si le traitement est mis en œuvre avant installation d’une cirrhose
3. tests biologiques : suivi de ferritine, glycémie, testostérone, TSH, transaminases, afoeto
le dosage d’hepcidine est disponible au labo d’Erasme (35 euros)
4. consultation de génétique
C282Y homozygote > 1 enfant/4 homozygote
C282Y hétérozygote : tester le conjoint > les 2 hétérozygotes > tester les enfants
pas de test génétique avant 18 ans
- car pas de risque avant 18 ans
- problème des futurs contrats d’assurance-vie
- problème des enfants illégitimes
TEST GENETIQUE EN PRATIQUE
Hémochromatose HFE (c’est la seule recherchée en première intention en pratique courante)
Prélèvement sanguin sur EDTA (bouchon mauve)
A dater de janvier 2013, les laboratoires de génétique n’accepteront le test que sous conditions :
– d’une augmentation du coefficient de saturation de la transferrine
ou
– suite aux conclusions d’une consultation de génétique
Hémochromatoses non HFE
Ces maladies rares ne sont à envisager qu’en cas de surcharge prouvée par IRM
avec génotype HFE normal, ou clinique évocatrice : apparition chez un jeune en particulier,
atteinte de la ferroportine avec saturation de transferrine non augmentée, …
Dans ce cas, le recours à un centre de référence est indispensable (Rennes) :
www.centre-reference-fer-rennes.org